Paul Médinger, architecte naval, est responsable de la performance, analyste et travaille en amont, calibre, configure et installe tous les capteurs en mer. L’inséparable binôme d’Alexis pour les deux bateaux.
« Je suis architecte navale, et j’œuvre à la compréhension du bateau, des efforts et des capteurs, pour mieux appréhender le voilier. Structure, fibre optique, mode de fonctionnement, pilotes… mais aussi gestion du vent, centre inertiel et équilibre du bateau relèvent de mes compétences, avec pour mission de trouver le meilleur rendement entre ces forces.
Avoir deux bateaux à comparer comme c’est le cas avec les deux VULNERABLE de Thomas et Sam, c’est génial. Ce sont ainsi deux jeux de données à comparer après chaque sortie. Un bateau référence, VULNERABLE ex LinkedOut, plan Verdier de 2019, et un super étalon, VULNERABLE, plan Koch-Finot Conq de 2023. Deux bateaux, c’est en vérité une accélération puissance 10 !
Il existe une véritable complémentarité avec Alexis. Je suis plus physicien qu’électronicien. Je donne les interprétations physiques des capteurs. Je prends le travail d’Alexis et je livre aux navigants des données concrètes. Les bateaux sont instrumentés, 1 200 variables et une centrale performante, accélérée par Advens et ses ingénieurs. On dispose de grandes quantités de données, et il nous faut les valoriser rapidement. On crée des outils avec Advens. Nos outils sont viabilisés mécaniquement pour résister à l’environnement hostile de la mer. Par exemple, un capteur de ballast à l’avant est important pour la performance. On va le choisir en fonction de sa capacité à encaisser, et on le calibre pour une qualification optimum. On évolue en permanence en algométrie pour une meilleure exploitation des données.
On conserve l’historique de chaque sortie. Chaque navigation est thématique, en fonction d’une certaine force de vent et d’une certaine configuration du bateau. On mesure les forces selon les voiles, le vent, la mer. On stocke la donnée, à laquelle on peut à tout moment se référer. »
La mutualisation des datas, une réalité TR Racing!
« Sur la Guyader Bermudes 1000 race par exemple, on avait un pilonnement (rythme auquel bateau vient taper dans les vagues) plus intensif, plus fréquent sur VULNERABLE de Sam. On constate un meilleur confort sur le VULNERABLE de Thomas. L’équilibre de barre est différent, 3 fois plus léger, offrant de meilleures sensations à Thomas. Son équilibre est parfait à la barre, pilote, vérins. Le bateau est très bien né. Tous les postes prioritaires ont été validés. Nos outils d’analyse permettent de reprendre les traces en course, et de scruter les anomalies. On a vérifié la qualité des GPS par exemple, l’étalonnage des vitesses du bateau, les centrales inertielles du bateau pour l’assiette du bateau. On a fait pratiquement le même travail sur le bateau de Sam. Il y certaines données de foils ou de gréement dont on connait les limites.
On a pu effectuer grand nombre de navigations communes entre les deux bateaux, avec des sessions de 36 heures côte à côte. On a vraiment pu échanger en continu sur la performance, et la qualifier de l’un à l’autre. On a comparé l’ensemble des combinaisons de réglages de voiles, et les qualifier pour envisager les améliorations. C’est très nouveau. Les débriefs sont très importants, avec des rapports systématiques de navigation, avec les traces, forces du vent et les anomalies. Une heure après les sorties, on envoie ces rapports de performances pour les analyser avec les navigants.
Sam est à fond dans cette culture de la performance. Il est rationnel et pragmatique. Il ne s’arrête pas aux détails. Droit au but ! et cash ! Antoine Koch, architecte émérite, lui permet de vite appréhender le bateau. VULNERABLE ex LinkedOut est le bateau référent.
TR Racing, c’est ainsi une multitude de caractères, de profils et d’approches en une seule équipe, avec des experts dans tous les domaines, et des références multiples, sur l’accastillage, le gréement, le composite, l’électronique, avec des binômes en questionnement et réflexion permanente. Pas de place au doute. »
La Transat Jacques Vabre pour laboratoire in vivo en vue du Vendée Globe !
« La Transat Jacques Vabre 2023, avec une nouvelle victoire de Thomas et Morgan, et le superbe podium de Sam et Antoine, nous a permis de valider certains développements. On a pu se comparer avec les autres bateaux de la concurrence. On a par exemple comparé les assiettes des bateaux, et on en tire toutes les conclusions pour le Vendée Globe, pour le choix des voiles etc…
La performance sur le Vendée Globe s’établira dans plus de confort dans la mer. La fatigue du skipper sera déterminante. Nos indicateurs de performances aident à aller le plus vite possible tout en s’économisant. Le trim book donnera à Thomas et à Sam des indicateurs, des repères de réglages accumulés en amont. Fixer des repères de réglages, pour économiser du temps et de la fatigue. Mieux simplifier les outils d’aide aux réglages.
Le simulateur à terre aide à comprendre les nouvelles configurations. Une des clés sera la compréhension de la physique du bateau et être réactif aux nouvelles configurations pour trouver le compromis dans ces nouveautés. Le meilleur capteur à bord reste le marin ! Il nous faut mettre des chiffres sur un ressenti, qualifier ces données sensorielles en un phénomène compréhensif, dans un environnement perturbé.
Nos métiers sont denses, variés et passionnants. Le challenge est énorme, faire le bateau le plus rapide au monde. On n’aime pas perdre… mais pas autant que Thomas ! »